Fleurus d'Algérie (1848 - 1962)

L'église Sainte-Geneviève

L'église vers 1950

Carte postale

De 1849 à 1912, Fleurus eut pour toute église une maison de colonisation agrandie et couronnée à partir de 1875 par un "clocheton". Vers 1890 les fidèles, de plus en plus nombreux à cause de l'immigration espagnole, n'y tenaient plus, et il fallait multiplier les messes. C'est cet afflux, et un don important fait par un ancien curé de la paroisse, qui décida finalement l'évêché à ouvrir un chantier. La nouvelle église fut construite sur l'îlot W, l'ancienne (îlot X) étant incorporée à la maison des Beaudet, puis des Sirjean, qui se demandaient quarante ans après pourquoi il y avait des restes de fresques sur le mur de leur remise.

Ce ne fut pas une merveille architecturale, ni une affirmation d'orientalisme christianisé (comme la nouvelle cathédrale d'Oran) mais un édifice convenable, ressemblant à bien d'autres églises de la région (notamment celle de Gambetta) : silhouette plutôt trapue, comme celle des églises provençales, et clocher de taille modeste mais bien visible à partir des terres autour du village. La construction en fut confiée à l'entreprise des frères Vergobbi, maçons italiens établis à Oran. La structure est en pierres de taille apparentes, les pierres d'angle ayant été régularisées par enduit. La forme trapézoïdale du corps du bâtiment, soutenu par des piliers inclinés vers l'axe, parallèles à ceux du bord de la façade, est solide. L'étanchéité de la toiture l'a été moins à l'épreuve : des réparations importantes y furent nécessaires en 1952-53.

Sur cette photo datant d'environ 1950, on voit que la cave Beaudet (à gauche, au coin de la rue d'Assi-Ben-Okba et de la rue campans) rivalise avec l'église par son volume, tandis que le «château Beaudet» (plus bas à gauche, au-delà de la sacristie) s'y associe pour encadrer le spirituel par le matériel. On y voit aussi l'importance et la variété des arbres d'alors sur cette avenue : faux-poivriers à droite et au fond, ficus devant l'église, palmiers plus bas.

 

L'église Sainte-Geneviève

L'intérieur de l'église en 1954

Collection Jo Carmona

La photo est prise de la galerie lors d'un mariage en 1954, année mariale. Le dallage apparaît clairement. Le photographe n'a pas dissimulé (en haut à gauche) les traces de l'infiltration de eaux, qui posait problème à l'époque.

Derrière l'autel on distingue le tableau mural réalisé par Fernand Belmonte. En service, il est masqué par la lumière des cierges, En voici une image plus détaillée :

 

La glorification de sainte-Geneviève

La glorifcation de sainte Geneviève

Carte postale 1948

Eloigné temporairement de la fonction publique après 1946, Fernand Belmonte, le plus célèbre des Fleurusiens, en profita pour se dévouer à la décoration de l'église de Fleurus. La conception de l'autel et du tableau mural "glorification de sainte Geneviève" (patronne de la paroisse) résulte d'une entente (assez inhabituelle dans une modeste église de village) entre le maçon qui construit l'autel et le peintre qui en réalise la toile de fond. Elle est faite pour prolonger de développer dans le fond de l'abside le symbole de la croix auquel est associé un V renversé qui reprend la forme des chevrons de la toiture de l'église, visibles depuis la nef, et annonce celle de la toiture ornementale du tabernacle. Celui-ci est donc situé sur le haut d'une structure pyramidale développant à la fois le V renversé et la croix, qui figurent une et quatre fois sur sa base, tous deux pointant vers le Christ, et, plus haut, vers sainte Geneviève, direction axiale soulignée par les six cierges à longueur décroissante disposés sur les plans de l'autel.

Les saints (tous munis de l'auréole traditionnelle qui les distingue et les met en valeur) sont disposés par paires. A la droite et à la gauche de sainte Geneviève, nous reconnaissons saint Pierre (aux clefs qu'il tient en contrebas) et saint Paul. Outre leur niveau hiérarchique élevé parmi les apôtres, ils sont étroitement associés à elle du fait que ce qui devait être plus tard l'abbaye de sainte Geneviève sur la colline du même nom à Paris, et dont seule la "tour Clovis" est conservée aujourd'hui, avait été à l'origine un monastère dédié par Clovis à Pierre et Paul. Au niveau suivant, nous voyons deux rois de France, tous deux couronnés et portant leur sceptre : à droite, saint Louis (au sceptre fleurdelisé et qui porte sur la poitrine l'emblème du croisé) et à gauche Clovis Ier, contemporain de Geneviève et dont la tradition veut qu'il lui ait porté un grand respect. La tête et la couronne de Clovis sont directement inspirées de son gisant dans la basilique de Saint-Denis, construite sous l'impulsion de la sainte, tandis que le peintre semble avoir étudié la représentation de saint Louis à Blaney, et en a reproduit le nez et les pommettes saillantes.

Au troisième niveau, voici à droite saint Jean Baptiste, portant son agneau, et à gauche, Marie Madeleine, tenant la palme qu'on lui prête souvent dans l'iconographie : on la trouve fréquemment aux côtés de sainte Geneviève dans l'art ecclésiastique parisien, où elles furent respectivement patronnes de deux paroisses importantes, rive droite et rive gauche. Aucun autre lien direct avec Geneviève – d'ailleurs, à l'exception du Christ, c'est le seul personnage de cette glorification à regarder directement le spectateur, non sans un souçon d'effronterie et avec une coiffure moderne, de sorte qu'on se rend compte que Fernand Belmonte, dont le sens de l'humour était bien connu, a dû prendre pour modèle une de ses proches, et qu'on y reconnaît alors, en regardant de plus près, Lucie Rabisse, veuve Pommeyrol, qui avait contribué de façon importante au coût de la fresque. Enfin, au quatrième niveau, sous les bras du Christ, on distingue deux ecclésiastiques, qui sont probablement (à droite, en surplis) saint Germain, évêque d'Auxerre, et (à gauche, en bure de moine) saint Loup, évêque de Troyes. Germain et Loup se seraient en effet, selon l'hagiographie, arrêtés à Paris en 429, en route pour combattre l'hérésie pélagienne en Angleterre, et auraient orienté Geneviève vers sa vocation religieuse. Ici aussi, l'artiste a rendu hommage à un Fleurusien, puisqu'on reconnaissait à la barbichette l'abbé Logié, curé de la paroisse à l'époque.

 

Retour à Images