Fleurus d'Algérie (1848 - 1962)

Château Beaudet / Duplan

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Le château Beaudet vers 1935

Un château à Fleurus ! On racontait au village que, de retour de leur voyage de noces en France en 1919, où ils avaient été impressionnés par les châteaux de la Loire, Edmond Beaudet et Agathe Marthe Rabisse, auraient persuadé le père d'Edmond, Adolphe Beaudet, de faire construire une belle maison familiale dans le même style. Il n'en fallut pas plus pour que l'édifice, en bordure de la place, entre l'église et le tout nouveau monument aux morts, fût baptisé château Beaudet et son propriétaire du moment (non sans ironie, parfois) le châtelain. On se souvenait même qu'Adolphe avait «fait venir des maçons italiens» pour l'édifier.

Un symbole effectif de prospérité, et plutôt artificiel d'appartenance à un patrimoine national, prenait forme. Il en fallait de peu que le château dépasse le clocher de l'église : d'ailleurs les cigognes, fidèles aux clochers au moment de rejoindre leurs quartiers d'hiver en Algérie, ne s'y trompèrent pas et installèrent fréquemment un nid sur les chapeaux de cheminée du château, au grand dam d'Adolphe Beaudet, qui disait que leurs claquements de bec l'empêchaient de dormir.

Contrairement à ce qu'on a pu croire au village, il ne s'agit pas d'un bâtiment caractéristique de la vallée de la Loire, mais d'une maison bourgeoise typique des années 1920 et 1930 en Algérie, comme on en voyait dans d'autres villages, et surtout dans des bourgs prospères tels que Mostaganem. Néanmoins, c'est un phénomène unique à Fleurus.

Les très hautes fenêtres de l'étage noble, où prédominent les verticales, les motifs décoratifs incrustés dans l'enduit, sont d'époque, l'enduit coloré (sable jaune rosé) aussi. Fenêtres, entrées et escalier d'approche sont monumentaux, encadrés par des piliers, et tous les abords font partie de l'ensemble. Les lucarnes sont aménagées un peu dans le désordre, entre les pans de toiture et les cheminées, avec des piliers par ci et une arche en béton par là. Toutefois, l'architecte a fait quelques clins d'œil au style tourangeau, dont la grande arche frontale, la couverture légèrement incurvée et revêtue d'ardoises (pratiquement inusitées en Algérie), l'existence même de lucarnes (dont celle du milieu comporte des meneaux, peut-être postiches), à la rigueur les piliers de cheminée décoratifs (rappelant d'assez loin celles du château de Chambord) et sans doute l'escalier en courbe. Les piliers décoratifs sur les ouvertures en imposent, mais n'ont rien d'un château.

Il s'agit avant tout, par-delà l'alliance un peu factice de l'expertise italienne et des traditons historiques métropolitaines, de construire grand et de construire français.

 

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